Qalandiya, c’est un peu le nœud au milieu de la Palestine. Un nœud qui ne se déserre que rarement. Les voitures viennent s’y coincer, avancent au ralentis, klaxonnent, font demi-tour. On pourrait croire qu’elles se chevauchent. Insupportable impression d’étouffement. Les israéliens y contrôlent tout ce qui entre en Israël, car c’est le principal checkpoint pour passer de Jérusalem en Cisjordanie. En arabe, on dit « Hadjiz ».
Les bus blancs et verts peuvent passer en Israel, ainsi que les véhicules immatriculés d’une plaque israélienne jaune. Tous les autres, « services » jaunes et voitures immatriculées d’une plaque palestinienne verte et blanche doivent rester en Cisjordanie. Comme tous les palestiniens dépourvus d’autorisation de séjour en Israel. Interdits sur leur propre territoire.
Des jeunes en armes, à l’attitude virile et méprisante, accomplissent les formalités de contrôle. Passeport et visa, carte palestinienne et autorisation de séjour obligatoires. Les piétons passent dans des grilles qui évoquent les couloirs de contention pour les élevages bovins. Des tourniquets qui se bloquent sans cesse, ouverts au bon vouloir du petit soldat qui contrôle, et des files d’attente qui peuvent s’éterniser. Au dessus du tourniquet, deux lumières, une rouge et une verte. Mais vert ne veut pas forcément dire que c’est ouvert.
Eternel recommencement, on passe et on repasse, on pose son sac dans le scanner et on colle son passeport contre la vitre blindée. Changement de bus, 5 shekels. Si on passe avec le bus, c’est 8 shekels le trajet entre Ramallah et Jérusalem (Porte de Damas).
Au dessus du checkpoint, il y a trois de ces fameux miradors qui parsemment le paysage palestinien. Celui qui domine l’entrée du camp de réfugiés est couvert de suie noire. Des pneus ont été cramés juste à son pied durant des affrontements.
Les affrontements à Qalandiya sont hebdomadaires. Et depuis la mort de Mohammed Abu Khdeir, ils sont quotidiens. En ce mois de ramadan, ils commencent en général après l’iftar (rupture du ramadan).
Vendredi, je me suis retrouvé dans l’un de ces affrontements, sur ma route pour Shu’afat.
A droite, un enorme talus, un restaurant planté au milieu et un hangar de taule, du matériel de chantier, de quoi s’abriter des tirs. Au centre, la route, empruntée en continu par des voitures qui passent au milieu des affrontements comme si de rien était. A gauche, un trottoir couvert qui passent devant des échoppes fermées. La configuration des lieux est vraiment dangereuse.
Les soldats se tiennent en face, prennent par moment l’initiative de venir très près des palestiniens pour balancer des « stunt grenades », ou se planquent derrière des bidons sur le trottoir de gauche pour tirer à balles réelles. Un sniper est accroupis derrière une citerne bleue, ajuste son coup et tire à plusieurs reprises. Sifflement et léger bruit métallique. Du côté palestinien, une quarantaine de personnes, munies de pierres et de frondes. David et Goliath, la victoire en moins.
En ce vendredi, il y aura au final deux palestiniens blessés par balle. Moi, profitant d’une accalmie, je m’esquive pour rejoindre Shu’afat.
ianB, Ramallah, 4 juillet 2014
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