Illustration issue de l’excellent site russe OVD INFO

A l’automne 2017, le FSB arrête cinq personnes âgées de 21 à 27 ans dans les milieux anarchistes de la ville de Penza, les accusant d’appartenir à une organisation terroriste ayant pour objectif de déstabiliser le pouvoir et d’organiser des attentats : Egor Zorin, Ilya Shakurskovo, Vasilii Kuksovu, Dmitrii Ptchelintsev et Andreï Tchernov. Il baptise cette organisation imaginaire « Le Réseau » (en russe : сеть) et prétend qu’elle s’étend dans d’autres villes russes, à Moscou, Saint-Petersbourg, Omsk et en Biélorussie. Les forces de police dissimulent des armes dans leurs affaires et, n’obtenant aucun aveu de leur part, les torture à l’électricité pour les forcer à faire des aveux.

Dans la continuité de ces arrestations, la police organise des perquisitions dans plusieurs villes de Russie, aux domiciles d’anarchistes et d’antifascistes. Aucune information ne sort alors publiquement, les réseaux anarchistes souhaitant éviter davantage de représailles. La police prétend avoir trouvé des explosifs au domicile de Arman Sagynbaev, militant anarchiste arrêté à Saint Pétersbourg.

En janvier 2018 trois personnes, Viktor Filinkov, Igor Chichkine et Bolyarchinov, sont arrêtées à Saint-Petersbourg, dans le cadre de l’enquête ouverte à Penza. Filinkov est conduit en voiture dans une forêt où, durant 5 heures, il est tabassé et torturé à l’électricité. Chichkine est torturé également à l’électricité et contraint de reconnaître les faits qui lui sont imputés. Bolyarchinov n’est pas torturé, mais reconnaît, face aux menaces et aux conditions dans lesquelles il est incarcéré, les faits qui lui sont reprochés. Il leur est notamment reproché d’appartenir à la même « organisation terroristes » que les militants de Penza. L’un des témoins de l’affaire, Ilya Kapustin, parvient à fuir le pays pour trouver refuge en Europe et accuse les policiers de l’avoir torturé.

La presse apprend seulement l’existence des arrestations de l’automne à Penza.

En février et mars 2018, de nombreuses actions et manifestations sont organisées à travers la Russie pour protester contre ces arrestations et les tortures. A la même période, plusieurs anarchistes et militants de gauche sont arrêtés en Crimée et la police procède à de nombreuses perquisitions. Parmi eux, Karakachev est accusé de terrorisme en raison de ses déclarations sur les réseaux sociaux. Il est actuellement en détention provisoire. Une autre personne, Chestakovitch, est arrêtée pour avoir déclaré des manifestions contre les élections présidentielles. Libre, il accuse la police de l’avoir torturé durant sa détention administrative de dix jours, avant de fuir la Russie pour l’Europe.

Suite à ces mobilisations, le FSB commence à s’en prendre à l’organisation « Autodéfense populaire » et à ses membres. Dans le cadre de cette campagne de répression, le FSB arrête plusieurs anarchistes de Tchelyabinsk pour avoir accroché une banderole « le FSB est le principal terroriste ». Ils sont accusés d’appartenir à « Autodéfense populaire » et une instruction à charge est ouverte contre eux. Deux anarchistes sont arrêtés à Moscou pour avoir participé à des actions devant les locaux du FSB. Ils sont également accusés d’appartenir à « Autodéfense populaire » et sont actuellement sous contrôle judiciaire.

En mars 2018, de nombreuses perquisitions sont organisées à Moscou par les forces spéciales et le « Centre E » (lutte contre l’extrémisme). Retchkalov est arrêté, accusé d’être l’un des responsables de « Autodéfense populaire » et d’avoir participé à des actions contre des locaux du parti Russie unie. Il est torturé à l’électricité pour qu’il désigne les autres membres de « Autodéfense populaire ». Sous la torture, il reconnaît être l’un des animateurs d’ « Autodéfense populaire », mais dit ne pas connaître l’identité des personnes qui font partie du réseau sur internet. Son placement à l’isolement faisant scandale, il est libéré sous contrôle judiciaire. Il a fui clandestinement la Russie pour l’Europe.

D’autres opérations sont menées lors d’événements publics et de concerts dans le cadre de l’instruction sur l’affaire concernant « Autodéfense populaire ».

A l’été 2018, deux autres personnes originaires de Penza sont arrêtées à Moscou et accusées d’appartenir au réseau. Ils sont actuellement en détention provisoire.

Le 31 octobre 2018, Mikhaïl Jlobitskij organise un attentat suicide à l’entrée des locaux du FSB d’Arkhangelsk, blessant trois agents du FSB. Quelques minutes avant de passer à l’acte, il annonce ses intentions sur un chat Télégram lié au réseau social du mouvement « Autodéfense populaire », Prométhée. Dans ses messages, il explique son acte en dénonçant les tortures commises par le FSB.

Suite à cette attaque, des opérations policières sont organisées dans plusieurs régions de Russie à l’encontre des membres supposés du réseau social sur lequel Jlobitskij a annoncé son acte. A Krasnodar, 100 personnes ont été interrogées sur leurs liens avec l’anarchisme et le mouvement « Autodéfense populaire », ainsi que leur opinion sur l’acte de Jlobitskij.

Le FSB déclare vouloir vérifier la totalité des personnes inscrites sur les réseaux sociaux liés à « Autodéfense populaire », ce qui représente près de 26 000 personnes. Les agents du FSB cherchent actuellement à identifier les administrateurs de ces réseaux.

Le 4 novembre 2018, un anarchiste, Lukychev, est arrêté pour avoir soutenu l’acte de Jlobitskij, ainsi que deux de ses amies. Accusé de « promotion du terrorisme », Lukychev est interrogé sans pause durant 36 heures et torturé. Les agents du FSB menacent d’imputer à ses amies l’administration du réseau social « Prométhée ».

Le FSB obtient les accès à l’administration du réseau social et publient une photo de Lukychev évanoui à la table d’interrogatoire, l’accompagnant de menaces à l’encontre des autres administrateurs du réseau. Les administrateurs parviennent à supprimer la totalité des personnes enregistrées sur le chat et à en recréer un autre, mais l’un d’eux, demandeur d’asile en Europe, est contacté en privé par les agents du FSB, qui le menacent de venir le kidnapper en France.

Sur leurs propres réseau social, « Operslil », la police russe publie la photo du cadavre de Jlobitskij, accompagnée de commentaires injurieux et de menaces à l’encontre du mouvement « Autodéfense populaire » et de ses membres.

Dans le même temps, le FSB arrête à Moscou un jeune anarchiste de 14 ans, Kirill Kuzminkin, prétendant avoir trouvé à son domicile une bombe qu’il s’apprêtait à faire exploser durant une marche nationaliste. Ses parents dénoncent les mensonges de la police et le fait qu’elle fasse passer un pot de yaourt pour un matériel explosif.

Le FSB affirme qu’au moins une dizaine de terroristes anarchistes sont recherchés à Moscou et annonce s’employer à les envoyer en prison. Les services de police œuvrent actuellement à anéantir les moyens de communication et médias anarchistes.

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Source (informations précises en russe) : https://ovdinfo.org/articles/2019/05/13/delo-seti-kto-eti-lyudi-i-za-chto-ih-sudyat-gid-ovd-info