En 2007 est lancée une campagne populaire dans la banlieue nord de Moscou contre le projet de construction d’une nouvelle autoroute Moscou – Saint Petersbourg, qui doit traverser la forêt millénaire de Khimki.

Le projet collossal a pour objectif affiché de désengorger Moscou et de relier l’aéroport de Sheremetyevo à la capitale. Le tronçon sera responsable du massacre de 144 hectares de forêt et coûtera plusieurs milliards de roubles. Le projet de construction est confié à l’entreprise française VINCI, qui par le biais de sa filiale EUROVIA, crée la SARL Severo-Zapadnaïa kontsessionnaïa kompania (SZKK) chargée de réalisée les travaux sur place, avec le soutien de la Banque Européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), de la Banque mondiale, de la Banque européenne d’investissement et de Coface France.

En 2009, malgré quelques oppositions à la mairie de Moscou, Poutine ordonne le reclassement du territoire de la forêt en terrain constructible. En juillet 2010, la coupe commence sans autorisation, réalisée par la SARL Teplotekhnik. C’est à ce moment que les habitants de Khimki et leurs soutiens installent un camp dans la forêt de Khimki et engagent une lutte acharnée et quotidienne contre la destruction des arbres.

Les autorités locales négligent les expertises et ignorent la gronde. Des aggressions sont commises à l’encontre des activistes et journalistes qui dénoncent le projet : « le journaliste local Mikhaïl Beketov a été mutilé et abandonné dans la rue en 2008. Il a dû subir plusieurs interventions chirurgicales et amputations le laissant gravement handicapé. Le lendemain de l’aggression, le collaborateur d’un journal local Sergueï Protazanov est également mutilé, avant d’être assassiné. En 2009, le militant pour les droits de l’homme Albert Ptchelintsev est kidnappé à Khimki en plein jour et atteint d’un coup d’arme automatique à la bouche. Il survit mais perd l’usage de la parole. Le journaliste local Anatoly Iourov est aggressé à plusieurs reprises, dont une fois à l’aide de plusieurs coups de couteau. Le militant local Vitaly Kapytsev échappe à une tentative d’étranglement et à un attentat à la bombe à son domicile. La militante Evguenia Tchirikova échappe également à une tentative d’assassinat en 2010. Les habitants de Khimki défendant leur forêt deviennent les cibles des provocations policières et des attaques d’« inconnus », ils sont brutalement arrêtés lors des manifestations, torturés dans les bureaux de police, le feu est mis à leur voitures et à leurs maisons. » Le 23 juillet 2010 dans la nuit, une cinquantaine de fascistes masqués attaquent le camp de Khimki. A la suite d’une manifestation et d’échauffourées le 28 juillet 2010 devant la mairie de Khimki, les activistes antifascistes Alekseï Gaskarov et Maxime Solopov sont arrêtés et emprisonnés, avant d’être remis en liberté en octobre 2010.

A la suite de ces événements, beaucoup de militants locaux ont peur de s’engager davantage, mais la lutte reste vive. Quotidiennement, des activistes mènent des actions contre le chantier de construction.

Momentanément suspendu suite aux violentes protestations des activistes, le chantier de 5,6 milliards d’euros reprend en décembre 2010 et conserve le tracé initial. Le renoncement au projet aurait pu coûter 85 millions d’euros de pénalité à la Russie pour rupture de contrat. Poutine vient platement s’excuser de ce retard auprès du vice-président de l’entreprise Vinci Yves-Thibault de Silgy lors de son déplacement au salon du Bourget le 27 juin 2011.

Ce que les activistes français devraient noter, c’est l’implication encore une fois de VINCI dans la réalisation d’un projet impopulaire et contraire aux libertés et à la protection de l’environnement.

Lors d’une action de blocage des pelleteuses du chantier le 14 juillet 2011 menée par une douzaine de militants, les agents de sécurité (ЧОП «Витязь ») en charge de la surveillance des véhicules de chantier se montrent extrêmement violents à l’égard des activistes, prétextant une attaque nocturne sur l’un de leurs véhicules. Cette violence n’a pourtant rien d’inhabituelle pour les activistes de Khimki. Je me retrouve moi-même bien bousculé et bon pour un passage chez le médecin.

Rappelons, entre autres projets juteux (dizaines de centres commerciaux, de stades, de ports, de métros, d’autoroutes, de ponts et de tunnels à travers le monde), que VINCI est responsable ou participe à la réalisation des centres pénitentiaires de Baie-Mahault (Guadeloupe) et de Remire Montjoly (Guyane Française), des barrages d’Ertan et de Xiaolangdi (Chine), de Melado (Chili) et Zimapan (Mexique), de plusieurs centrales thermiques au Pakistan, en Egypte, à Sumatra, en Nouvelle Calédonie et au Vietnam, de la centrale nucléaire de Daya Bay (Chine), du laboratoire d’enfouissement de déchets radioactifs de Bure (France), de réservoirs d’hydrocarbures en Egypte, au Nigéria, en Algérie, au Mexique et aux Emirats Arabes Unis, des aéroports de Casablanca (Maroc), Tripoli (Libye), Dammam (Arabie Saoudite), Karachi (Pakistan), Pochentong (Cambodge) et Notre Dame des Landes (France)…

Et c’est sans compter les projets en cours comme la centrale nucléaire de Taishan (Chine), le réacteur EPR de Flamanville (France), le complexe touristique pour riches de Dahlak Island (Erythrée), les stations de pompage de pétrole Al Gardabiya Assdada (Libye) et Doha Pumping Station (Qatar), le cinéma 3D du président mégalomane turkmène Gurbanguly Berdimuhamedov à Ashgabat ou le sarcophage de Tchernobyl !

Autant dire que VINCI et ses dirigeants ne se soucient guère de l’endroit où ils posent leurs cubes de béton. La destruction méthodique de la nature est leur domaine de prédilection, la collaboration avec les pouvoirs mafieux leur ligne de conduite et le mépris pour les populations locales leur moyen de défense.

Par ailleurs, VINCI a des intérêts également dans les centres de rétention de Marseille et Roissy, dans lesquelles intervient sa filiale GTM Multiservices ou dans celui de Lille que sa filiale SOGEA Caroni a participé à construire.

ianB, Moscou, 14 juillet 2011