Dès le lendemain de l’enlèvement des trois jeunes colons de Gush Etzion, l’État israélien doué d’extravoyance accusait déjà le Hamas. Mais ce même don ne lui a pas permis de retrouver Eyal Yifrach, Naftali Frankel et Gilad Shaer vivants. Le Shin Bet (service de sécurité israélien) est aujourd’hui contraint d’avouer son incompétence. Retrouvés morts à Halhul (nord d’Hébron), ils ont été enterrés à Modiin le 1er juillet.
Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions. En moins de 24 heures, des centaines de fanatiques ont posté sur internet des appels au meutre et au génocide des arabes, et cela malgré l’appel à la raison des parents des trois victimes, qui ont précisé pour ceux qui en doutent que « le même sang coule dans les veines des arabes et des juifs ».
Malgré cela, c’est l’appel au meurtre qui semble l’avoir emporté. Mercredi à l’aube, Mohammed Abu Khdeir, 16 ans, a été enlevé par trois hommes devant un magasin de Shu’afat, avant qu’on ne retrouve son corps calciné dans une forêt des environs. L’examen du corps révèle qu’il a été brûlé vif après avoir été frappé.
Les trois jours qui ont suivi ont vu la population de Shu’afat, mais également de plusieurs faubourgs de Jérusalem-Est (Beit Hanina, at-Tour, Silwan, Ras al-’Amoud et al-Eesawiyya) se soulever.
Le premier vendredi du ramadan a été marqué par les funérailles massives de Mohammed à Shu’afat, rassemblant plus de 10 000 personnes, tandis que l’État israélien a interdit la tenue de l’événement à la mosquée d’Al-Aqsa, sujette depuis plusieurs semaines aux intrusions violentes de fanatiques israéliens accompagnés de soldats.
Toute la nuit qui a suivi les funérailles, environ 200 personnes ont affronté les forces spéciales israéliennes jusqu’au milieu de la nuit, les prenant d’assaut sur le carrefour entre Beit Hanina et Shu’afat. Cocktails molotov et pierres contre balles de caoutchouc, grenades à gaz, puis véhicule autopompe. Apparemment, les forces spéciales n’ont pas fait usage de balles réelles, contrairement à Qalandya plus tôt dans la journée, où un sniper caché derrière une citerne à eau semblait vouloir ajouter un nom à la longue liste des martyrs palestiniens.
Notons également que le tram de Veolia-Alstom n’a pas échappé aux révoltés de Shu’afat, qui ont découpé dans la soirée les rails et deux poteaux de la ligne qui relie Jérusalem aux colonies illégales de Giv’at-Ha Mivtar, Pisgat Ze’ev et Newe Ya’akov, privant ainsi plus de 50 000 colons de tramway.
Et pendant ce temps, les incidents se multiplient à droite et à gauche. Invasion de l’armée et affrontements dans la vieille ville d’Hébron, au camp de réfugiés de Al-Arroub (district d’Hébron), dans les villages de Barta’a ash-Sharqiyya (district de Jenine), Al-Asakra, Jouret ash-Sham’a et Um Salmouna (district de Bethleem), aboutissant sur de nouveaux enlèvements.
Et de la part des colons, on reporte également de nouveaux faits d’armes courageux : à Osarin (district de Nablus) où Tareq Ziad Odeily, 22 ans, a été enlevé par deux véhicules israéliens avant d’être tabassé et laissé pour mort dans un terrain à proximité, à Keesan (district de Bethleem) où Ala’ Mousa Obeyyat, 17ans, a été renversé volontairement par une voiture de colon, et également à Sha’aba (quartier d’Hébron) où Bashir Sobhi al-Mohtaseb, 30 ans, a été tabassé par un groupe de colons de Kiryat Arba…
Une discussion avec le groupe de jeunes colons de Karmi Zur installés sous une tente à la sortie de Halhul a révélé combien la désinformation et la haine dont ils sont nourris les pousse à voir en chaque arabe un égorgeur et un terroriste. Leur relation avec moi était pour autant extrêmement cordiale (on m’a offert du chocolat !). Au cours de notre conversation, j’ai pu apprendre que les palestiniens n’avaient aucune raison de se plaindre dans la mesure où Israël leur avait donné gracieusement la bande de Gaza (désormais remplie d’hôtels luxuriants) avant de leur fournir gratuitement l’eau et l’électricité. J’ai également appris que les arabes étaient éduqués dès le plus jeune âge pour tuer du juif et que le pourcentage de fanatiques en israël était infinitésimal. Les jeunes colons estiment également qu’ils sont seuls à vivre dans la peur et pensent que chaque nouvelle colonie est un moyen de souder davantage les juifs des territoires occupés afin qu’ils puissent se protéger des agressions arabes. Ils ne comprennent d’ailleurs pas le terme « colons » qui leur est attribué.
J’ai mis un terme à ma présence parmi eux lorsqu’on m’a proposé d’attendre un rassemblement qui devait suivre et au cours duquels nous serions – fort heureusement – entourés de soldats pour nous protéger des hordes barbares. Autant dire que j’ai préféré m’en aller avant d’entamer de plus amples débats avec les forces armées d’Israël, préférant nettement passer ce début de soirée dans un bus rempli de dangereux palestiniens pour rentrer à Ramallah…
ianB, Ramallah, 6 juillet 2014
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