Quelques jours avant mon arrivée en Palestine, le 12 juin trois jeunes de la colonie de Gush Ezion étaient enlevés au bord de la route 60 entre Hébron et Bethleem, alors qu’ils faisaient du stop. Depuis, une vaste opération de ratissage et d’enlèvements ciblés – baptisée « Brother’s Keeper » – a été lancée par l’armée dans l’ensemble des territoires, couplée avec un bombardement massif de la bande de Gaza, le tout dans la perspective officielle d’anéantir le Hamas tenu pour responsable de l’enlèvement, et ce malgré le démenti de l’organisation.

Autour d’Hébron, mais aussi dans tout le reste des territoires, l’armée s’évertue jour et nuit à fouiller les maisons de prétendus membres du Hamas, tout en faisant grimper la pression. Des affrontements ont lieu quotidiennement et ont déjà abouti sur l’assassinat d’une dizaine de palestiniens, majoritairement des jeunes tués par balles en marge ou au cours d’émeutes :

– Ahmad Arafat Sabbareen, 21 ans, tué le 16 juin à Ramallah.
– Mahmoud Jihad Muhammad Dudeen, 14 ans, tué le 20 juin à Doura.
– Hajj Jamil Ali Jaber Souf, 60 ans, tué le 20 juin à Salfit.
– Ahmad Sa’id Abu Shanno, 35 ans, tué le 22 juin à Al Ein (Nablus).
– Mahmoud Ismael Atallah, 31 ans, tué le 22 juin à Ramallah.
– Fatima Ismael Roshdi, 70 ans, tuée le 26 juin à Al Arroub (Hébron).
– Mustafa Hosni Taher Aslan, 24 ans, mort le 26 juin suite à un tir israélien à Qalandia.
– Ibrahim Abu Zagha, 21 ans, tué le 1er juillet à Jenin.

Et c’est sans compter les victimes des bombardements sur la bande de Gaza.

Parallèment, on chiffre à près de 600 le nombre de personnes enlevées et à plusieurs centaines les blessés. Nombreux sont ceux qui affirment qu’il n’y a pas eu de telle tension depuis la dernière Intifada.

Finalement, les corps des trois jeunes colons ont été découverts dans un champ près de Halhul le 30 juin, à quelques kilomètres seulement du lieu de leur enlèvement. Depuis, à la violence de l’armée s’ajoute le fanatisme des colons, qui multiplient les actions punitives (généralement en présence des soldats). Un enfant renversé par une voiture près de Bethleem, attaque de funérailles à Ramallah, destruction d’oliviers près de la colonie de Betar Illit, heurts violents sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, manifestation spontanée de fanatiques israéliens aux cris de « mort aux arabes » dans la vieille ville de Jérusalem et enfin aujourd’hui l’enlèvement et le meurtre d’un jeune palestinien de 16 ans, Muhammad Hussein Abu Khdeir, à Shu’afat (Jérusalem Est).

Et les autorités israéliennes de rajouter de l’huile sur le feu en promettant de vastes représailles, qui viennent de prendre effet aujourd’hui dans toutes les villes des territoires, avec l’arrestation d’une cinquantaine de personnes et la destruction à Hébron des maisons appartenant à la famille des responsables présumés (Marwan al-Qawasmi, 26 ans, et Ammar Abu Aisha, 33 ans, toujours introuvables) de l’enlèvement des trois colons.

Déjà, les soldats se laissent voir un peu partout au bord des routes et aux checkpoints. Mais ceci n’a malheureusement rien d’exceptionnel lorsqu’on est en territoire occupé. Mais les opérations et les enlèvements par l’armée se déroulent surtout en fin de journée.

La communauté internationale, dans son rôle habituel, condamne tout en donnant des excuses à Israël. Il semblerait que la vie de trois colons équivaut celles de dizaines de palestiniens, on est bien au-delà de la loi du Talion. Israël a trouvé la le motif rêvé pour annuler les effets positifs de la réconciliation récente entre le Hamas et le Fatah et pour relancer une vaste offensive visant la destruction du tissu de résistance palestinien, qu’il soit pacifiste ou non.

Notons néanmoins que les enlèvements de palestiniens par l’armée n’ont rien d’exceptionnel : 2478 depuis le début de l’année 2014. Depuis des décennies, l’Etat d’Israël met en prison pour plusieurs années des jeunes palestiniens, souvent mineurs, appliquant à la Cisjordanie des méthodes dignes de la bataille d’Alger et peu enviables au terrorisme qu’il prétend combattre.

Les territoires palestiniens retrouvent depuis deux semaines l’ambiance explosive de 2006, et les promesses vengeresses et belliqueuses de Netanyahu et de son ministre de la Défense ne laissent présager rien de bon pour ce mois de ramadan qui s’amorce.

ianB, Ramallah, 3 juillet 2014