« Je ne sais pas si celui qui est roué de coups par la police perd sa « dignité humaine ». Mais ce dont je suis certain c’est qu’avec le premier coup qui s’abat sur lui, il est dépossédé de ce que nous appellerons provisoirement la confiance dans le monde. Confiance dans le monde. Beaucoup de choses la constituent : par exemple la foi en une causalité à toute épreuve, foi irrationnelle, impossible à justifier logiquement, ou encore la conviction également aveugle de la validité de la conclusion inductive. Un autre élément plus important dans cette confiance -et seul pertinent ici- est la certitude que l’autre va me ménager en fonction de contrats sociaux écrits ou non-écrits, plus exactement qu’il va respecter mon existence physique et dès lors métaphysique. Les frontières de mon corps sont les frontières de mon Moi. La surface de ma peau m’isole du monde étranger : au niveau de cette surface j’ai le droit, si l’on veut que j’aie confiance, de n’avoir à sentir que ce que je veux sentir. »

Jean Améry, résistant et juif, analysait ainsi la violence qu’il avait subi de la part de la Gestapo belge en 1943 dans son livre « Par delà le crime et le châtiment ».

J’ai réalisé cette brochure pour le collectif Désarmons-les! dont je suis membre fondateur et qui lutte contre les violences d’État, auprès des victimes de violences policières.

 

Pourquoi cette brochure ?

 

Avec les années 2000, le Monde est incontestablement entré dans l’ère de l’anti-terrorisme. Après la décolonisation, les polices des sociétés contemporaines ont mis à profit les acquis sécuritaires des guerres coloniales pour les recycler dans le maintien de l’ordre « démocratique ». Et tou-te-s celles et ceux qui aujourd’hui contestent cet ordre doivent être traité-e-s comme terroristes. La nuance n’existe plus. Après les défaites cinglantes des impérialistes lors de la décolonisation s’est développée l’idée que la guerre pouvait être propre, et surtout qu’elle pouvait se livrer partout, y compris au cœur de la société. Les expériences contre-insurrectionnelles des guerres d’Indochine, d’Algérie ou du Vietnam, ont servi à élaborer des doctrines policières adaptables à toutes les formes de sociétés, contre celles et ceux qui menacent leur stabilité.

Dans cette guerre de basse intensité que les États démocratiques livrent à leurs populations récalcitrantes, les techniques de contre-guerilla servent de support au maintien de l’ordre. Tandis que « nos » armées opèrent des « frappes chirurgicales » sur les terrains de guerre, avec l’idée qu’il ne faut plus envoyer de soldats au contact, « nos » polices agissent de même en privilégiant le « maintien à distance » des manifestant-e-s. C’est la doctrine française du maintien de l’ordre.

Les années 2000, c’est donc la généralisation des armes dites « non létales ». C’est surtout la généralisation d’un paradoxe : il existerait des armes qui ne tuent pas. Fusils qui ne tuent pas, grenades qui ne tuent pas, balles qui ne tuent pas. Mais la police tire à vue.


L’idée d’une brochure est née en 2012. Depuis le sommet sur l’immigration à Vichy en 2008 et celui de l’OTAN à Strasbourg en 2009, nous étions de plus en plus nombreuses-x à avoir été blessé-e-s par des armes de police au cours de manifestations, mais il a fallu que certain-e-s de nos ami-e-s aient les jambes incrustées de débris métalliques lors du weekend de résistance anti-THT du Chéfresne en juin 2012 pour que nous nous décidions à creuser la question des armes. Voilà qui est fait.

Désarmer la Police, cela ne signifie pas seulement priver les policiers de leurs armes. Nous ne croyons pas dans une réforme de la police, ou dans l’idée que la police pourrait servir le peuple si elle venait à être moralisée. Le sens du mot désarmer est multiple. Désarmer, c’est aussi destabiliser, rendre vulnérable, laisser sans moyens. Nous pensons que l’institution policière est contestable par nature. Elle est le bras armé de l’Etat, elle incarne la violence d’Etat. En cela, elle doit être contestée.

Si les policiers devaient un jour être privés de leurs armes, il leur resterait leurs mains, et nous n’ignorons pas que nombre de personnes sont mortes des mains de la police, sans que celle-ci n’aie fait l’usage de ses armes. C’est
pourquoi l’action de notre collectif s’inscrit dans un combat ardu contre les violences d’Etat sous toutes leurs formes.

Nous dédions nos efforts à tout-e-s celles et ceux qui gardent en eux les marques indélébiles de la répression policière et à tout-e-s celles et ceux qui continuent de croire en la nécessité de se révolter.

 

 

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