Palestine, 2014 : La guerre depuis l’autre côté du mur

J’arrive à peine que la guerre commence

Quelques jours avant mon arrivée en Palestine, le 12 juin trois jeunes colons de Gush Ezion ont été enlevés au bord de la route 60 entre Hébron et Bethleem, alors qu’ils faisaient du stop. Depuis, une vaste opération de ratissage et d’enlèvements ciblés – baptisée « Brother’s Keeper » – a été lancée par l’armée dans l’ensemble des territoires, couplée avec un bombardement massif de la bande de Gaza, le tout dans la perspective officielle d’anéantir le Hamas tenu pour responsable de l’enlèvement, et ce malgré le démenti de l’organisation.

Autour d’Hébron, mais aussi dans tout le reste des territoires, l’armée s’est évertué jour et nuit à fouiller les maisons de prétendus membres du Hamas, tout en faisant grimper la pression. En réponse, des affrontements ont eu lieu quotidiennement et ont déjà abouti sur l’assassinat d’une dizaine de palestiniens, majoritairement des jeunes tués par balles en marge ou au cours d’émeutes :

Ahmad Arafat Sabbareen, 21 ans, tué le 16 juin à Ramallah.
Mahmoud Jihad Muhammad Dudeen, 14 ans, tué le 20 juin à Doura.
Hajj Jamil Ali Jaber Souf, 60 ans, tué le 20 juin à Salfit.
Ahmad Sa’id Abu Shanno, 35 ans, tué le 22 juin à Al Ein (Nablus).
Mahmoud Ismael Atallah, 31 ans, tué le 22 juin à Ramallah.
Fatima Ismael Roshdi, 70 ans, tuée le 26 juin à Al Arroub (Hébron).
Mustafa Hosni Taher Aslan, 24 ans, mort le 26 juin suite à un tir israélien à Qalandia.
Ibrahim Abu Zagha, 21 ans, tué le 1er juillet à Jenin.

Et c’est sans compter les victimes des bombardements sur la bande de Gaza.

Parallèment, on chiffre à près de 600 le nombre de personnes enlevées et à plusieurs centaines les blessés. Nombreux sont ceux qui affirment qu’il n’y a pas eu de telle tension depuis la dernière Intifada.

Finalement, les corps des trois jeunes colons ont été découverts dans un champ près de Halhul le 30 juin, à quelques kilomètres seulement du lieu de leur enlèvement. Depuis, à la violence de l’armée s’est ajoutée le fanatisme des colons, qui ont multiplié les actions punitives (généralement en présence des soldats). Un enfant renversé par une voiture près de Bethleem, des funérailles attaquées à Ramallah, des oliviers détruits près de la colonie de Betar Illit, des heurts violents sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, une manifestation spontanée de fanatiques israéliens aux cris de « mort aux arabes » dans la vieille ville de Jérusalem et finalement aujourd’hui l’enlèvement et le meurtre d’un jeune palestinien de 16 ans, Muhammad Hussein Abu Khdeir, à Shu’afat (Jérusalem Est).

Et les autorités israéliennes de rajouter de l’huile sur le feu en promettant de vastes représailles, qui viennent de prendre effet aujourd’hui dans toutes les villes des Territoires Occupés de Cisjordanie, avec l’arrestation d’une cinquantaine de personnes et la destruction à Hébron des maisons appartenant à la famille des responsables présumés (Marwan al-Qawasmi, 26 ans, et Ammar Abu Aisha, 33 ans, toujours introuvables) de l’enlèvement des trois colons.

Déjà, les soldats se laissent voir un peu partout au bord des routes et aux checkpoints. Mais ceci n’a malheureusement rien d’exceptionnel lorsqu’on est en territoire occupé. Les opérations et les enlèvements par l’armée se déroulent surtout en fin de journée.

La communauté internationale, dans son rôle habituel, condamne tout en donnant des excuses à Israël. Il semblerait que la vie de trois colons équivaut celles de dizaines de palestiniens. Israël a trouvé la le motif rêvé pour annuler les effets positifs de la réconciliation récente entre le Hamas et le Fatah et pour relancer une vaste offensive visant la destruction du tissu de résistance palestinien, qu’il soit pacifiste ou non.

Notons néanmoins que les enlèvements de palestiniens par l’armée n’ont rien d’exceptionnel : 2478 depuis le début de l’année 2014. Depuis des décennies, l’Etat d’Israël emprisonne pour plusieurs années des jeunes palestiniens, souvent mineurs, appliquant à la Cisjordanie des méthodes dignes de la bataille d’Alger et peu enviables au terrorisme qu’il prétend combattre.

Les territoires palestiniens retrouvent depuis deux semaines l’ambiance explosive de 2006, et les promesses vengeresses et belliqueuses de Netanyahu et de son ministre de la Défense ne laissent présager rien de bon pour ce mois de ramadan qui s’amorce.

Embouteillages et affrontemens à Qalandiya

Qalandiya, que chacun connait, avec son checkpoint, son mur recouvert du portrait de Barghouti et son mirador calciné, est le principal point de passage entre Jerusalem et la Cisjordanie, et surtout lieu symbolique qui incarne toute l’humiliation des contrôles, l’apartheid et l’interdiction de sortir pour une grande partie des Palestiniens. En arabe, on dit hajez. Les Israéliens y contrôlent tout ce qui entre en Israël.

Qalandiya, c’est aussi un peu le nœud au milieu de la Palestine. Juste en contrebas du checkpoint s’étend le camp de réfugiés et entre les deux passe la route 60, qui relie Jalame (Nord de Jenin) et Meitar (Sud d’Hebron), les deux checkpoints aux extrémités de la Cisjordanie. Un nœud qui ne se déserre que rarement : les voitures viennent s’y coincer, avancent au ralentis, klaxonnent, font demi-tour. On pourrait croire qu’elles se chevauchent. Insupportable impression d’étouffement. Les bus blancs et verts peuvent passer en Israel, ainsi que les véhicules immatriculés d’une plaque israélienne jaune. Tous les autres, « services » jaunes et voitures immatriculées d’une plaque palestinienne verte et blanche doivent rester en Cisjordanie. Comme tous les palestiniens dépourvus d’autorisation de séjour en Israel, ils sont interdits sur leur propre territoire.

Des jeunes en armes, à l’attitude virile et méprisante, accomplissent les formalités de contrôle. Passeport et visa, carte palestinienne et autorisation de séjour obligatoires. Les piétons passent dans des grilles qui évoquent les couloirs de contention pour les élevages bovins. Des tourniquets qui se bloquent sans cesse, ouverts au bon vouloir du soldat impubère qui effectue les contrôles, et des files d’attente qui peuvent s’éterniser. Au dessus du tourniquet, deux lumières, une rouge et une verte. Mais vert ne veut pas forcément dire que c’est ouvert. Eternel recommencement, on passe et on repasse, on pose son sac dans le scanner et on colle son passeport contre la vitre blindée. Changement de bus, 5 shekels. Si on passe avec le bus, c’est 8 shekels le trajet entre Ramallah et Jerusalem (Porte de Damas).

Au dessus du checkpoint, il y a trois de ces fameux miradors qui parsèment le paysage palestinien. Celui qui domine l’entrée du camp de réfugiés est couvert de suie noire. Des pneus ont été incendiés juste à son pied durant des affrontements, qui à cet endroit sont hebdomadaires. Et depuis la mort de Mohammed Abu Khdeir, ils sont quotidiens. En ce mois de ramadan, ils commencent en général après l’iftar (rupture du ramadan).

Je me suis retrouvé dans l’un de ces affrontements sur ma route pour Shu’afat. Les soldats ont pris par moment l’initiative de venir très près des Palestiniens pour lancer des stunt grenades (grenades assourdissantes), ou se sont dissimulés derrière des bidons sur le trottoir de gauche pour tirer à balles réelles. Un sniper s’est accroupis derrière une citerne bleue, a ajusté son coup et tiré à plusieurs reprises. Sifflement et léger bruit métallique. Du côté palestinien, il y avait une quarantaine de personnes, munies de pierres et de frondes. C’est le mythe inversé de David contre Goliath, la victoire en moins. Il y aura eu au final deux palestiniens blessés par balle.

Profitant d’une accalmie, je me suis esquivé pour rejoindre Shu’afat

Jerusalem-Est se soulève suite à la mort de Mohammed Abu Khdeir

Dès le lendemain de l’enlèvement des trois jeunes colons de Gush Etzion l’État israélien, doué d’extravoyance, accusait déjà le Hamas. Mais ce même don ne lui a pas permis de retrouver Eyal Yifrach, Naftali Frankel et Gilad Shaer vivants. Le Shin Bet (service de sécurité israélien) est aujourd’hui contraint d’avouer son incompétence. Retrouvés morts à Halhul (nord d’Hebron), ils ont été enterrés à Modiin le 1er juillet.

Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions. En moins de 24 heures, des centaines de fanatiques ont posté sur internet des appels au meutre et au génocide des arabes, et cela malgré l’appel à la raison des parents des trois victimes, qui ont précisé pour ceux qui en doutent que « le même sang coule dans les veines des arabes et des juifs ».

Mercredi à l’aube, Mohammed Abu Khdeir, 16 ans, a été enlevé par trois hommes devant un magasin de Shu’afat, avant qu’on ne retrouve son corps calciné dans une forêt des environs. L’examen du corps a révélé qu’il avait été brûlé vif après avoir été frappé. Les trois jours qui ont suivi ont vu la population de Shu’afat, mais également de plusieurs faubourgs de Jérusalem-Est (Beit Hanina, at-Tour, Silwan, Ras al-’Amoud et al-Eesawiyya) se soulever.

Le 4 juillet, premier vendredi du ramadan, a été marqué par les funérailles massives de Mohammed à Shu’afat, rassemblant plus de 10 000 personnes, tandis que l’État israélien a interdit la tenue de l’événement à la mosquée d’Al-Aqsa, sujette depuis plusieurs semaines aux intrusions violentes de fanatiques israéliens accompagnés de soldats.

Toute la nuit qui a suivi les funérailles, environ 200 personnes ont affronté les forces spéciales israéliennes jusqu’au milieu de la nuit, les prenant d’assaut sur le carrefour entre Beit Hanina et Shu’afat. Cocktails molotov et pierres contre balles de caoutchouc, grenades lacrymogènes et canons à eau. Apparemment, les forces spéciales n’ont pas fait usage de balles réelles, contrairement à Qalandiya plus tôt dans la journée, où le sniper caché derrière une citerne à eau semblait vouloir ajouter un nom à la longue liste des martyrs palestiniens.

Le tram de Veolia-Alstom n’a pas échappé aux révoltés de Shu’afat, qui ont découpé dans la soirée les rails et deux poteaux de la ligne qui relie Jérusalem aux colonies illégales de Giv’at-Ha Mivtar, Pisgat Ze’ev et Newe Ya’akov, privant ainsi plus de 50 000 colons de tramway. Et pendant ce temps, les incidents se multiplient à droite et à gauche : invasion de l’armée et affrontements dans la vieille ville d’Hébron, au camp de réfugiés de Al-Arroub (district d’Hebron), dans les villages de Barta’a ash-Sharqiyya (district de Jenine), Al-Asakra, Jouret ash-Sham’a et Um Salmouna (district de Bethleem), aboutissant sur de nouveaux enlèvements.

Et de la part des colons, on reporte également de nouveaux faits d’armes : à Osarin (district de Nablus) où Tareq Ziad Odeily, 22 ans, a été enlevé par deux véhicules israéliens avant d’être tabassé et laissé pour mort dans un terrain à proximité, à Keesan (district de Bethleem) où Ala’ Mousa Obeyyat, 17ans, a été renversé volontairement par une voiture de colon, et également à Sha’aba (quartier d’Hébron) où Bashir Sobhi al-Mohtaseb, 30 ans, a été tabassé par un groupe de colons de Kiryat Arba…

Une discussion avec le groupe de jeunes colons de Karmi Zur installés sous une tente à la sortie de Halhul m’a révélé une fois encore combien la désinformation et la haine dont ils sont nourris les pousse à voir en chaque arabe un égorgeur et un terroriste. Leur relation avec moi était pour autant extrêmement cordiale (on m’a offert du chocolat !). Au cours de notre conversation, je me suis laissé dire que les Palestiniens n’avaient aucune raison de se plaindre dans la mesure où Israël leur avait cédé gracieusement la bande de Gaza – désormais remplie d’hôtels luxuriants – avant de leur fournir gratuitement l’eau et l’électricité. J’ai également entendu que les arabes étaient éduqués dès le plus jeune âge pour tuer des Juifs et que le pourcentage de fanatiques en israël était infinitésimal. Les jeunes colons estiment également qu’ils sont seuls à vivre dans la peur et pensent que chaque nouvelle colonie est un moyen de souder davantage les Juifs des territoires occupés afin qu’ils puissent se protéger des agressions arabes. Ils ne comprennent d’ailleurs pas le terme « colons » qui leur est attribué.

J’ai mis un terme à ma présence parmi eux lorsqu’on m’a proposé d’attendre un rassemblement qui devait suivre et au cours duquels nous serions encadrés par des soldats pour nous protéger des hordes barbares. Autant dire que j’ai préféré m’en aller avant d’entamer de plus amples débats avec les forces armées d’Israël, préférant nettement passer ce début de soirée dans un bus rempli de dangereux Palestiniens pour rentrer à Ramallah…

Mounir Ahmad Al Badareen : une colombe est tombée

Le 14 juillet, il était entre 4 et 5 heures du matin dans le village de As Samu’ (district d’Hébron) quand des jeeps de l’armée ont investi le village.

Des heurts ont éclatés lorsque les résidents ont tenté de chasser les intrus, les poursuivant jusqu’au bord de la route 60, à l’extrémité occidentale du village. La route coupe à cet endroit la colline en deux telle une plaie ouverte dans le paysage, pour relier les colonies d’Otni’el et de Shim’a, et ensuite continuer vers Beer Sheba au delà du mur de la honte.

Mounir Ahmad Al Badareen, 19 ans, était l’un de ceux qui ont tenté de résister avec des pierres à l’occupant. Des pierres contre des fusils : tout le drame et le mérite d’une jeunesse désarmée qui risque sa vie quotidiennement pour se débarrasser de l’oppression.

Les dérisoires projectiles palestiniens ont volé sur la route en contrebas. On en aperçoit encore les traces deux jours après. Les jeunes étaient à découvert, bien trop exposés en surplomb de la route. Un soldat a tiré deux balles dum-dum calibre 22 (interdites depuis la Déclaration de la Hague de 1899 et banni en 2001 pour le contrôle des foules par l’avocat général de l’armée israélienne) dans le corps de Mounir. Ses amis ont pris la fuite.

Ensuite, les témoins ont raconté l’ordinaire barbarie des ado-soldats, qui ont malmené le corps blessé de Mounir, puis ont empêché l’ambulance du croissant rouge de lui venir en aide, tandis que son corps se vidait de son sang. Ca a duré quarante minutes. Quarante minutes pour devenir un shaheed, martyr d’une cause désespérée.

Le lendemain, Ahmad Hamdan Al-Badareen, professeur d’anglais, m’a raconté avec humilité le destin de son fils. Il m’a partagé surtout sa vision de l’occupation israélienne et son désir inconditionnel de connaître un jour une paix équitable. Un message de paix, bien loin de l’esprit de vengeance que les Israéliens prêtent aux Palestiniens. Dans paix équitable, il y a l’idée qu’une paix ne peut souffrir de compromis et qu’elle n’a de réalité que si les murs tombent. Pas de paix sans liberté, pas de liberté sans combat : on semblait se comprendre avec le père du shaheed.

Le soir, la famille de Mounir m’a accueilli chez elle comme son propre enfant, malgré nos différences et malgré leur peine. Assis parmi eux dans la salle communale, j’ai assisté à la cérémonie au cours de laquelle des centaines d’hommes d’ici et d’ailleurs sont venus leur apporter leurs condoléances.

Mounir avait un élevage de colombes. En tuant Mounir, les soldats israéliens ont insulté la liberté.

L’autorité palestinienne au service du colon

Israel semble pouvoir s’appuyer sur l’Autorité Palestinienne pour entraver toute véléité de révolte de la population palestinienne. Depuis toujours, le peuple est divisé entre ceux qui croient en une nécessaire insurrection et ceux qui cultivent l’espoir d’une paix arrachée par la diplomatie, y compris au prix d’insupportables compromis. Il semble que la perspective d’obtenir des miettes à l’issue (hypothétique) d’interminables pourparlers avec la Maison Blanche motive Mahmoud Abbas à cirer les chaussures de l’Etat colonial israélien.

La stratégie du Fatah au pouvoir a bien changé depuis la mort de Yasser Arafat. Il semblerait que l’élite confortable de Palestine n’a plus rien à gagner dans le combat et privilégie l’option de la pacification et de la compromission. Cette collaboration de la bourgeoisie Palestinienne avec l’occupant semble être encore une fois la condition préalable à la constitution d’un nouvel État.

Alors que l’armée israélienne multiplie les opérations pour décapiter le Hamas en Cisjordanie, par des arrestations arbitraires conduites de nuit dans l’ensemble des villes et villages des territoires occupés, l’Autorité Palestinienne assiste l’occupant dans ses efforts pour étouffer la résistance.

Depuis le début de la semaine, partout où la jeunesse palestinienne a pour habitude de combattre l’Occupation, la police palestinienne est intervenue pour prévenir tout conflit, s’interposant par la force entre la population en révolte et les soldats d’Israël.

C’est ce qu’il s’est passé cette nuit à Al Bireh, lorsque les forces anti-émeutes palestiniennes ont bloqué la route vers la colonie-garnison de Beit El, ou encore à Qalandiya, où la police de l’Autorité Palestinienne a pris le relais de l’armée d’Israel pour réprimer avec violence les émeutiers.

Déjà suite à l’assassinat par un sniper israélien de Mahmoud Ismael Atallah en plein centre de Ramallah le 22 juin dernier, la police palestinienne avait opté pour la répression, supprimant toute révolte dans la ville. Cette intervention s’était soldée par l’attaque du commissariat de police par la population. Les Palestiniens ne sont pas dupes.

Qu’espère obtenir l’Autorité Palestinienne ? Mahmoud Abbas pourra pousser aussi loin qu’il veut la collaboration avec l’Etat d’Israel, aucune paix ne sera jamais acceptable sans le démantèlement de toutes les colonies de Cisjordanie, l’application du droit au retour de tous les réfugiés, la libre-circulation de tous les Palestiniens et la suppression du mur de l’apartheid. Si au contraire l’Autorité Palestinienne s’obstine dans la voie du compromis, elle récoltera le contraire de ce qu’elle prétend obtenir. Et une troisième intifada pourrait lui être fatale.

Tour d’horizon des affrontements autour de Ramallah

Le décompte sanglant se poursuit dans la bande de Gaza. 583 palestiniens tués et 3640 blessés (comprenant de nombreuses amputations) depuis le 8 juillet. L’ONU publie même des fresques morbides où chaque victime a sa petite silhouette qui le représente. Chaque jour, les médias ici sont noyés d’images effroyables, de corps en morceaux et de vidéo montrant la mise à mort en direct par des snipers. Et en dessous, les commentaires innommables des partisans du génocide. La violence des mots sur internet permet de se rendre compte de la barbarie qui motive la destruction de Gaza. La guerre est livrée aussi sur les réseaux.

Et puis il y a ces Israéliens qui manifestent bruyamment leur envie de meurtre dans les rues, jusqu’à ériger à Haifa et Tel Aviv des checkpoint anti-arabes et anti-gauchistes. Le principe : faire dire « mort aux Arabes » aux automobilistes, sous peine de se voir roués de coups. L’ambiance est nauséabonde.

Et ici, de l’autre côté du mur, les affrontements avec l’armée israélienne sont quotidiens. Et les blessés ne se comptent même plus. Les soldats d’Israël tirent à balles réelles et font mouche plusieurs fois par heure. Dans la banlieue de Ramallah, j’ai pu voir comment tombent les lanceurs de pierres, les uns après les autres. On passe la plupart du temps accroupis ou à courir de planque en planque. Les pierres et les cocktails molotov tentent vainement de contourner les obstacles et touchent rarement leur cible, mais on dirait que les balles quant à elles, passent au travers de tout. Des lasers de fusil balayent l’obscurité, puis on entend un claquement métallique et une balle qui siffle. La mort se joue à pile ou face.

Autour de Ramallah, il y a plusieurs lieux où ça chauffe chaque soir à partir de la prière du soir (Isha), vers 22h30, et jusqu’à 3 ou 4 heures du matin :

OFER – En réalité, la ville s’appelle Bétunia, mais le lieux où se déroulent les affrontements est situé à quelques centaines de mètres de la prison israélienne d’Ofer et de son checkpoint. Ofer est, avec Megiddo et Ktzi’ot, l’une des trois principales prisons israéliennes où s’entassent les prisonniers palestiniens : entre 800 et 1200 détenus. La prison est dans l’arrière plan. Au premier plan, une petite route quitte Betunia pour rejoindre le checkpoint, devant lequel un immense terrain vague empêche quiconque de trouver un abris. Au sommet d’une colline se dresse l’une des usines du businessman Yasser Abbas – fils de Mahmoud Abbas – dont la fortune personnelle construite depuis les accords d’Oslo est vivement critiquée en Palestine. On y fabrique des cigarettes. Cela en dit long sur ce que la famille Abbas peut attendre des processus de paix en cours. Yasser, nationalisé au Canada, est bien loin de tous ces soucis, tandis que ses agents de sécurité observent les affrontements depuis un petit balcon. Les palestiniens utilisent en effet les pentes escarpées à proximité de l’usine pour s’abriter et lancer des pierres sur les véhicules qui font des va-et-viens sur le terrain vague en contrebas. Ils tentent aussi des approches sur le flan Est de la colline, qui donne directement sur le Mur. A cet endroit, il y a une porte que les soldats utilisent régulièrement pour contre-attaquer côté palestinien.

QALANDIYA – J’ai déjà décrit les lieux précédemment. La topographie est vraiment dangereuse. Le checkpoint est protégé par des blocs de béton, derrière lesquels les soldats se positionnent pour tirer à vue. En face, de part et d’autres de la route encombrée en permanence par des véhicules (même quand ça tire), se trouvent des échoppes avec très peu d’abris. A droite, un enorme talus, un restaurant planté au milieu et un hangar de taule, du matériel de chantier, de quoi s’abriter des tirs. Au centre, la route, empruntée en continu par des voitures qui passent au milieu des affrontements comme si de rien était. A gauche, un trottoir couvert qui passent devant des échoppes fermées. En général, les affrontements commencent par l’incendie de tas de pneus lancés sur la route, puis se poursuivent sur la colline qui longe le Mur. Mais le terrain permet rarement d’approcher le checkpoint à moins de 150 mètres, distance à laquelle seules les frondes ont une chance de faire mouche.

BEIT EL – Ce qu’on appelle Ramallah, ce sont en fait deux villes côte à côte, Ramallah à l’Ouest et Al Bireh à l’Est. Quasiment entre les deux, toujours la même route 60. On quitte la ville au niveau d’un rond-point au milieu duquel s’élance un immense porte-drapeau en béton. Au sommet, le drapeau palestinien, comme un défi lancé au colons et aux soldats qui résident en face. A l’Est de là, deux colonies surplombent la ville : Psagot et Beit El, la seconde ayant la spécificité d’accorder la moitié de son territoire à une base militaire. C’est donc à proximité de cette base militaire, au Nord de Ramallah-Al Bireh, qu’on lieu la plupart des affrontements, derrière quelques pâtés de maisons et d’une station essence Al-Huda. Une grande partie du terrain est très exposée, seules les maisons et les quelques murets qui les entourent sont là pour servir d’abris. Le 20 juillet, les affrontements y ont été particulièrement violents.

AR-RAM – La ville se situe immédiatement au dessus du checkpoint de Qalandia vers le Sud. L’entrée principale se situe au niveau d’un large rond-point sur la longue et sinueuse route 60 qui mène à Bethleem. C’est là où Mahmoud Hatem Shawamra, 20 ans, a été tué le 21 juillet. Les versions sur sa mort divergent. D’aucuns disent qu’un colon l’a tué, d’autres que ce sont les soldats qui lui ont tiré dans le dos. En tout cas, il est mort dans une ambulance militaire qui le ramenait à Hizma, la ville voisine. Des jeunes se sont attroupés autour du lieu où il a semble-t-il été abattu : on pouvait y retrouver les restes de matériel médical israélien. Mais rien ne valide l’hypothèse d’un tir de colon : cet endroit est situé exactement là où se déroulent les affrontements, à l’entrée d’Ar Ram.

Et c’est d’ailleurs de là qu’est partie une manifestation à l’annonce de son décès, d’abord en direction du centre d’Ar Ram, puis vers les blindés de l’armée positionnés depuis plusieurs heures en face de l’entrée de la ville, au niveau du rond-point. Pour atteindre les soldats, il faut d’abord pouvoir sortir de la ville et atteindre la route, mais l’armée se positionne au delà, abritée derrière une barrière de béton, et intercepte rapidement les tentatives d’attaques par quelques tirs, qui bénéficient d’un éclairage plutôt favorable.

En dehors du district de Ramallah, des nouvelles d’affrontements viennent aussi quotidiennement d’Hébron, de Halhul, de Beit Oumar ou de Al Arrub, où la population subit les incursions régulières de l’armée. Mais il ne faut pas croire que le conflit s’est focalisé sur quelques villes ou villages portant le flambeau de la résistance palestinienne : partout où les soldats israéliens mettent les pieds, la population réagit à leur invasion par des jets de pierre. Et l’actualité brûlante de ce dernier mois a ravivé la colère d’une population pressurisée depuis bien trop longtemps.

Et si d’aucuns en occidents voient dans les manifestations non-violentes du vendredi (Bil’in, Ni’lin, Nabi Saleh, Al Masara, Kufr Qaddum) l’avenir de l’insurrection palestinienne, la résistance quotidienne est pourtant bien moins visible et moins médiatisée, en dehors des médias locaux. Tout se joue en général à la nuit tombée. 

Les forces d’occupation n’aiment pas les témoins

Vendredi 18 juillet a été une journée particulièrement tendue entre les Palestiniens et l’armée israélienne. Comme chaque vendredi dans nombreux endroits des territoires occupés, les Palestiniens ont pris d’assaut l’armée israélienne et ses infrastructures, sans armes, mais avec la détermination légèrement suicidaire qu’on leur connait. Et cette détermination se trouvait hier renforcée par la volonté d’exprimer dans la révolte leur solidarité avec les résidents de Gaza, massacrés depuis maintenant plusieurs semaines par les forces israéliennes.

Dans l’après-midi du 18 juillet, je me suis d’abord rendu à Ofer.

Ces affrontements rencontrent de la part des forces israéliennes d’occupation une violence souvent disproportionnée, celles-ci n’hésitant pas à tirer à balles réelles lorsque l’usage du gaz et des balles de caoutchouc ne les satisfait pas suffisament. Lors de ces démonstrations de forces, les soldats d’Israël ne font souvent aucune distinction entre l’émeutier, le secouriste, le passant et les journalistes. Ce jour-là j’ai pu assister à la chasse aux journalistes à laquelle se livre l’armée israélienne. A plusieurs reprises, les jeeps militaires se sont approchées de façon menaçante des journalistes, les obligeant à se replier dans leurs voitures, avant de jeter délibérément des grenades à gaz à leurs pieds. Puis, dans un second temps, un canon à eau s’est employé à « nettoyer » les journalistes présents.

J’ai pu moi-même faire l’expérience de cette violence dirigée contre les témoins, lorsque me trouvant tout seul en amont d’un véhicule blindé de l’armée, j’ai reçu une balle de caoutchouc en plein torax, alors même que je portais ma caméra à hauteur des yeux. Il est incontestable que j’étais, en qualité de témoin, la cible directe de ce tir et que le soldat qui a tiré depuis la portière du véhicule savait pertinemment où la balle allait me toucher, à savoir à quelques centimètres seulement de mon visage.

En fin de soirée, les affrontements ont éclaté près du checkpoint de Qalandiya. Arrivé sur place avec un ami photographe, et tentant d’arriver au plus près des soldats israéliens alors que les échanges de tirs faisaient rage, nous nous sommes retrouvés avec des journalistes de la télévision palestinienne sous le feu nourri des soldats israéliens. L’un des journalistes, Fadi Al Jayoussi, a reçu une balle dans la jambe.

Israël fait encore une fois la démonstration de sa violence aveugle, alors même que l’opération sur Gaza, condamnée partout à travers le monde, a déjà causé la mort de 316 personnes et blessé plus de 2200, dont une majorité d’enfants.

Trop c’est trop, à Qalandiya Israël tire sur la foule

Le 24 juillet, à l’appel d’un collectif pour la commémoration de la Nakba (destruction de 400 villages palestiniens et exil forcé de 700 000 Palestiniens lors de la formation de l’Etat d’Israël), une manifestation était prévue au départ du camp de réfugiés d’Al ‘Amari, dans le but de forcer le checkpoint de Qalandiya et de rejoindre Jérusalem et la mosquée d’Al-Aqsa, interdite depuis plusieurs jours à toutes les personnes de moins de 50 ans, alors même que les musulmans s’apprêtent à fêter la fin du Ramadan.

Le départ était annoncé à 21h30 par des affiches apposées partout à Ramallah. Et c’est bien avant l’heure que des milliers de Palestiniens étaient déjà rassemblés sur la route 60, formant une marée de drapeaux de la Palestine et de keffiehs. Avec un ami photographe, on a décidé d’aller rejoindre la tête de la manifestation, mais il nous a fallu bien une heure pour remonter le cortège. De fait, la tête de la manifestation était déjà à Qalandiya. Là, l’armée israélienne avait depuis plusieurs heures bloqué l’accès au checkpoint par des blocs de béton et des grilles, nous attendant de pied ferme.

Impossible de voir les forces israéliennes, dans la mesure où un énorme spot placé sur l’un des miradors nous éblouissait, inondant l’ensemble de la scène d’une lumière aveuglante.

La bataille avait commencé depuis un moment et des centaines de pierres jonchaient déjà le sol. En arrivant, la foule se faisait plus compacte et des dizaines d’ambulances avaient déjà entamées leur ronde infernale. Des nuages noirs s’échappaient de pneus en feu et, devant, des dizaines de Palestiniens essayaient d’atteindre l’armada israélienne avec leurs projectiles, s’abritant derrière quelques maigres obstacles (le muret du terre-plein central, un hangar fatigué, une benne à ordure et un barbecue métallique). Des centaines de personnes, accroupies en grappes, tentaient d’éviter les tirs israéliens.

Parvenant sur le devant de la scène, on a été mis dans le bain tout de suite, voyant arriver sur une civière le corps du premier martyr, le front percé d’une balle. Et derrière lui, toutes les deux minutes, des groupes de personnes extrayaient d’autres blessés pour les amener aux ambulances prêtes à partir. Les appels en boucles à l’adresse des secouristes, en plus des volutes de fumée noire, des bruits de balles, de feux d’artifices et des sirènes des ambulances, renforçaient la vision d’apocalypse : « SA’AF ! » (ambulancier en arabe).

Après avoir perdu de vue mon ami, je suis allé de tous les côtés de la bataille : à droite près du Mur de séparation, à gauche sur les toits, au milieu de la route, restant à un moment bloqué pendant 15 minutes allongé derrière un mur avec des dizaines d’autres, tandis que les Israéliens tiraient juste au dessus des têtes. Les lasers verts des armes israéliennes et le sifflement aigu des balles étaient terrifiants.

Il y a bien eu quelques tirs à balles réelles depuis le côté palestinien, accueillis par des sifflements et des applaudissements, mais globalement la bataille était livrée à l’aide de pierres, de cocktails molotov et de feux d’artifices. Les assauts répétés des Palestiniens aux cris d’« Allah Akbar ! » étaient accueillis par des séries de tirs, les balles sifflant au milieu de la foule pour aller se loger dans les corps en mouvement, aboutissant sur près de 287 blessés et 2 morts, chiffres qui devraient être confirmés bientôt par les médecins de l’hôpital de Ramallah. Il semblerait que beaucoup de blessés, et sans doute l’un des morts, viennent du camp de réfugiés de Al-‘Amari.

J’ai quitté la bataille autour de 3 heures du matin, alors que la foule était déjà clairsemée et que ça devenait toujours plus risqué de rester sur place. J’avais vraiment l’espoir, comme beaucoup ici, que cette manifestation forcerait le checkpoint, mais la lutte était vraiment inégale. Malgré la détermination sans faille de centaines de jeunes Palestiniens, défiant les balles, l’assaut manquait fortement d’organisation : pas de boucliers, quasiment pas de barricades, presque rien pour se protéger.

Vendredi après la prière de 12h45 auront lieu les funérailles des martyrs. Cette nouvelle journée risque bien de se finir à nouveau dans la violence.

Rentré à Paris, mon esprit brûle encore

Rentré de Palestine ce lundi, je tente de remettre de l’ordre dans mes pensées, de revenir sur les choses que j’ai vu, les discussions que j’ai eu, les sensations que j’ai ressenti au cours de ces 45 jours passés en Israël et en Cisjordanie.

Sans sombrer dans des considérations orientalistes ou exotisantes, j’ai trouvé chez les Palestiniens une incroyable hospitalité et une ouverture d’esprit sans pareille. Difficile de comprendre comment après tant d’années de privations et de violences, le peuple palestinien arrive encore à trouver la force d’aimer l’Autre et de lui ouvrir sa porte. On a tendance à croire que l’être humain dont la vie est jonchée de drames se laisse fatalement emporter par ses plus noirs sentiments et que la destinée d’un peuple meurtri est de se déchaîner dans l’adversité et le terrorisme. Mais il n’en est rien.

Si les martyrs font partie de la vie palestinienne, et si mourir sous les coups de l’ennemi est vécu par les familles de shaheed autant comme un drame que comme un honneur, je n’ai pas vu chez les Palestiniens ce fanatisme que certains voudraient leur prêter et qui voudrait que les Palestiniens soient tous des partisans des attentats-suicide.

Pour autant, je dois admettre que je ne ressent ni mépris ni indifférence pour ceux et celles qui ont choisi de donner ainsi leur vie pour la liberté, que ce soit par colère, par désespoir ou par haine. Mettre sa vie dans la balance, ce n’est jamais tout à fait un choix, c’est souvent l’aboutissement d’une longue descente aux enfers, d’une lente prise de conscience de la vanité de la vie dans des contextes où tout n’est qu’entrave au bonheur et à la joie. Israël a construit les conditions de sa propre destruction, en écrasant continuellement tout un peuple sous son talon de fer, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, alors que la source de ce terrorisme est dans les origines mêmes de la création d’Israël : sans la destruction de centaines de villages, sans l’assassinat et l’expulsion de milliers de Palestiniens de leurs terres et sans Occupation, il n’y aurait pas eu de terrorisme.

En Palestine, je n’ai jamais eu peur. Les seuls moments où j’ai ressenti la peur, c’était au contact des colons et des soldats israéliens. Ils ont peur autant qu’ils inspirent la peur, parce qu’ils sont faits de peur. Enfermés dans des îlots résidentiels entourés de murs et de barbelés, munis d’armes automatiques et accompagnés d’hommes en armes, exprimant la méfiance et le mépris, ils ont oublié leur humanité. Ils se comportent souvent avec agressivité, y compris à l’égard des non Palestiniens. Et les excuses qu’ils pourront donner pour se justifier d’être si fermés sont fausses : ils ne sont pas en danger. Il suffira pour ça de comparer le nombre de morts Israéliens et Palestiniens depuis 2000 pour comprendre que ce ne sont pas eux qui ont le plus besoin de protection et de sécurité.

Mais à leur parler, on comprend très vite qu’ils sont bercés de mythes et de préjugés, convaincus depuis leur plus jeune âge que l’Arabe est un assassin et un menteur, qui ne souhaite que la destruction des Juifs. Chez les colons, on raconte que les enfants arabes apprennent à tuer à l’école, que la notion de paix chez eux n’existe pas, que la civilisation arabe est sans foi ni loi et que le Coran n’enseigne que la violence. Discuter avec les colons m’a amené à entendre des choses que je n’aurai pas cru pouvoir sortir de la bouche d’un peuple si longtemps persécuté et victime du racisme. Ces Juifs ont oublié.

Durant ce mois en Palestine, j’ai découvert que le racisme de la société israélienne était extrême, qu’il pouvait prendre la forme de pogroms dignes de ceux qui ont entraîné la mort de milliers de Juifs en Russie entre 1880 et 1945. J’ai vu de larges groupes de jeunes Israéliens descendre dans la rue en hurlant « mort aux arabes » et en frappant leurs détracteurs, exprimant des désirs de massacre et insistant ouvertement sur la nécessité de s’en prendre d’abord aux enfants et aux femmes enceinte pour que la race arabe ne se reproduise pas. Les élites israéliennes auront beau nous dire qu’il s’agit de positions marginales, les prises de paroles de personnages publics, la caution donnée par l’Etat israélien aux violences des colons et la propagande accompagnant le massacre de la population gazaouie sont autant de signaux favorables envoyés à tous les fascistes israéliens.

Il y a malgré tout de nombreuses voix israéliennes opposées à la politique de l’Etat d’Israël. Il y a des organisations juives pour la paix, des Juifs orthodoxes antisionnistes, des militants de la gauche israélienne, des Anarchistes contre le mur. Mais ils rencontrent eux aussi une violence sans pareille, accusés de trahir leur peuple et de jouer le jeu de l’antisémitisme, alors qu’il ne s’agit pour eux que de dénoncer le nationalisme juif.

La Palestine est définitivement faite de contrastes et de dissonances. Et lorsque je remonte le fil de l’actualité de ce dernier mois, je me rends compte que les incohérences s’accumulent. Rien aujourd’hui n’éclaire par exemple les circonstances de la mort des colons Gilad Shaer, Naftali Fraenkel et Eyal Yifrah, dont les corps ont été retrouvés quasi intactes après avoir passé deux semaines sous un tas de rochers en plein soleil. Israël s’est empressé d’accuser deux jeunes Palestiniens de Halhul dont ils n’ont jamais retrouvé la trace, avant de détruire les maisons de leurs familles et d’arrêter leurs proches. Les opérations militaires dans de nombreuses communes de Cisjordanie, ainsi que la violence des colons et l’assassinat du jeune Palestinien Mohammed Abu Khdeir à Shu’afat, puis le bombardement de Gaza, se sont soldés par des semaines d’affrontements quotidiens au cours desquels des centaines de Palestiniens ont été blessés et une vingtaine tués en Cisjordanie.

Qui est responsable de tout ça ? Que deviendront les jeunes fanatiques qui ont incinéré vivant Mohammed Abu Khdeir ? Ils ont déjà été relâchés, placés sous contrôle judiciaire. Que deviendront ces soldats qui, délibérément, de leurs armes de pointe, ont abattu des Palestiniens armés de pierres ? Ils sont félicités, ils ont bien fait leur travail. Israël rend grâce aux assassins.

Pendant ce temps à Gaza, on est à 1422 morts (23% d’enfants) et 8265 blessés au 31 juillet. On a dépassé le montant des victimes des opérations précédentes. Israël ne se défend pas, Israël extermine. Certains parlent de génocide, le mot qu’on ne doit pas dire sans l’aval de l’ONU.

J’ai quitté la Palestine alors même que les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, le bras armé du Fatah, lançait à son tour des attaques ciblées contre les forces armées israéliennes et les colons en Cisjordanie, en solidarité avec Gaza et en soutient des actions du Hamas. Autant dire que l’été n’a pas fini d’être brûlant.